L’espace public devrait, par définition, appartenir à toutes et tous. Malheureusement, dans les faits, il est investi de manière très différente par les femmes et par les hommes au quotidien. Des études ont démontré que l’espace public appartient prioritairement aux hommes et que les femmes s’y sentent moins à l’aise.[1] Chacun est en mesure d’observer que les femmes se tiennent rarement dans la rue, si l’on excepte les jardins publics où elles sont le plus souvent accompagnées de jeunes enfants. Les motifs de cette répartition inéquitable de l’espace public sont multiples et historiques. Des études expriment aujourd’hui que certains partis pris du développement de l’espace urbain « durable » conduiraient à renforcer ces comportements. [2] Sans remettre en question les évolutions de la commune d’aujourd’hui, il est indispensable de prendre en compte les préoccupations des femmes dans les aménagements de l’espace public.
Des améliorations notables sur un sujet aussi complexe nécessiteront des évolutions éducatives, culturelles, sociales qui prendront malheureusement leur temps et ne sont pas exclusivement du ressort communal. Ceci étant, nous proposons que notre commune apporte sa pierre à l’édifice et se penche sur la problématique de l’occupation de son espace urbain de la façon la plus simple : en demandant leur avis aux femmes elles-mêmes, dans une approche concrète et participative, sur le terrain.
Le concept de « marche exploratoire[3] » a été développé au Canada à la fin du siècle dernier et repris dans différentes villes de France dans les années 2000. Il s’agit de réaliser des diagnostics en arpentant les rues des quartiers pour observer le terrain. Cette action permet de faire des critiques sur le secteur, d’identifier des obstacles à la mobilité et à la sécurité des habitants, mais également de révéler des aspects positifs du milieu, dans une approche participative qui associe différents acteurs pour faire évoluer une situation.
Pour qu’elles permettent d’améliorer concrètement les conditions de vie en ville des femmes, les « marches exploratoires[4] » devraient réunir un groupe d’habitantes, des acteurs sociaux du quartier (animateurs des centres socioculturels, travailleurs sociaux hors murs), mais aussi des représentants des services communaux, notamment de l’urbanisme et de la sécurité. Cet outil facilite l’appropriation de l’espace public par les femmes, les implique concrètement dans les améliorations possibles pour leur sécurité, leur cadre de vie, et renforce leur compétence et leur légitimité par une approche démocratique et inclusive.
Par ce postulat, nous demandons à la Municipalité d’étudier la possibilité de mettre en œuvre des marches exploratoires dans différents quartiers de la Ville de Prilly afin de mettre en lumière les besoins spécifiques des femmes dans l’espace public et offrir des solutions concrètes aux problèmes qui seront identifiés par elles.
Pour le groupe socialiste
P. Clivaz Luchez et consorts, Prilly, le 5 mars 2018
[1] Yves Raibaud, in Le sexe des villes a deux boules, Charlie Hebdo, 15 avril 2015 (http://www.laure-daussy.fr/cv/portfolios/le-sexe-des-villes-a-deux-boules-charlie-hebdo)
[2] Yves Raibaud, La ville durable creuse les inégalités, CNRS 2015 (https://lejournal.cnrs.fr/billets/la-ville-durable-creuse-les-inegalites)
[3] Centre d’écologie urbaine de Montréal, Outils pour transformer sa ville, Marche exploratoire(http://www.ecologieurbaine.net/fr/outils-8-test/item/85-marche-exploratoire)
[4] Comité interministériel des villes, Guide méthodologique des marches exploratoires, Cahiers pratiques hors-série, Editions du CIV (www.ville.gouv.fr/IMG/pdf/sgciv-guidemarcheexploratoire.pdf