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Postulat – Robotisation de la vente et de la restauration: Taxer les caisses automatiques, assurer l’égalité de traitement

par | 13 décembre 2022 | Économie, Finances, Postulats, Précarité, Santé-social

Afin de lutter contre la robotisation et la suppression des places de travail, particulièrement dans le domaine de la grande distribution de détail, le PS Prilly demande à la Municipalité d’introduire une taxe dissuasive sur les caisses automatiques.

En vertu des art. 71 et 72 de la Loi cantonale sur l’exercice des activités économiques[1], « l’exploitation de distributeurs et d’appareils automatiques de marchandises et de prestations de service » est soumise à autorisation communale, s’ils se trouvent dans des lieux accessibles au public (gares et stations de transport public, cafés et restaurants, etc.). Il s’agit principalement d’automates à cigarettes, de distributeurs de marchandises, ainsi que d’automates de jeu dits d’adresse sans possibilité de gain (billards, flippers, etc. – les jeux de hasard étant soumis à une autre législation). Ces automates sont autorisés moyennant le paiement d’un émolument annuel, sur la base du règlement cantonal d’application et du «règlement de l’association «Sécurité dans l’ouest lausannois» relatif aux émoluments perçus dans le cadre de l’exercice des activités économiques des auberges et débits de boissons et de manifestations».

 

Égalité de traitement

Cette soumission à autorisation trouve son fondement dans l’idée d’assurer une égalité de traitement avec les activités de vente temporaire, à l’étalage notamment, aussi soumises à autorisation[2]. Aujourd’hui, cette autorisation permet aussi de vérifier la légalité et le fonctionnement correct de ces appareils, notamment eu égard à la protection de mineur-e-s et des consommatrices et consommateurs.

 

Magasin ou restaurant?

La multiplication des machines permettant l’accès automatique à des marchandises ou des prestations introduit du flou dans les délimitations. Ainsi, il existe par exemple à Lausanne un automate, dans un local fermé accessible au public en tout temps, permettant de commander la cuisson à la minute d’une pizza : s’agit-il encore d’un simple automate, ou est-ce l’équivalent automatisé d’un magasin de mets à l’emporter ? Ou même d’un café-restaurant ?[3] Ces cas vont sans nul doute se multiplier, alors que les automates sont exclus du champ d’application du Règlement communal concernant l’exercice des activités économiques. La question devra donc être abordée tôt ou tard.

 

Plus aucun contact avec le personnel

La question se pose de manière beaucoup plus massive pour le paiement aux caisses automatiques dans les magasins classiques, supermarchés notamment. Il y est désormais possible d’accéder aux marchandises et de les régler sans aucun contact avec le personnel – comme on le ferait à un automate, mais à une échelle nettement plus grande. Certes, dans les supermarchés prillérans, une caisse avec personnel reste exploitée en permanence. Cependant, des magasins sans aucun personnel de vente existent déjà en Suisse : les « Avec-Box » de l’entreprise de distribution Valora sont ainsi des magasins temporaires sans aucun personnel de vente[4]. La seule présence humaine, lorsqu’il y en a une, est celle d’un-e agent-e de sécurité pour la surveillance. A Zurich, fin janvier 2021, la Migros ouvre à Zurich sa première filiale dans laquelle ne travaille aucun personnel de vente, aucun jour de la semaine[5].

 

Une évolution des plus discutables

Il est probable que cette évolution se poursuive. Elle est des plus discutables sur le plan humain et social, notamment sur les plans de la socialisation et de l’emploi, et particulièrement l’emploi des personnes à bas niveau de formation.

Elle est problématique sur le plan de la fiscalité.

Elle soulève également des questions d’égalité de traitement qui concerneront à terme là aussi les heures d’ouverture : un lieu entièrement automatisé de ce type est-il à considérer comme un très grand automate ou comme un magasin, même sans personnel ?

 

Anticiper, légiférer

Le présent postulat vise à initier cette réflexion et les adaptations des règlements qu’elle nécessitera. Mais de manière plus immédiate, il propose de rétablir l’égalité de traitement entre un automate de type Selecta, soumis à surveillance et autorisation, et une borne ou caisse de paiement automatique, qui ne l’est aujourd’hui pas. Concrètement, il s’agirait pour la Commune, sur la base des lois en vigueur, de rendre obligatoire la déclaration des caisses automatiques et l’obtention d’une autorisation. Celle-ci permettrait de s’assurer que le système de paiement protège suffisamment les mineurs, par exemple, en rendant impossible l’achat de produits du tabac ou d’alcool. Il s’agit donc notamment de faire respecter directement, et non par des contrôles a posteriori, l’interdiction de vente d’alcool par des distributeurs « automatiques » ou « semi-automatiques » inscrite dans la Loi cantonale sur les auberges et débits de boissons (LADB, art. 5).

 

Soutenir les bas salaires et les commerces indépendants

Ce recensement et cet octroi d’autorisation donnerait lieu au paiement d’une taxe spécifique. Cette taxe, qui serait dans les faits réglée presque exclusivement par les grandes enseignes qui remplacent du personnel par des caisses automatiques, pourrait financer des mesures de soutien social pour les personnes perdant leur emploi, ainsi que de mesures de promotion du commerce indépendant. Elle pourrait être prélevée non pas de manière forfaitaire, mais sur la base du chiffre d’affaires, sur le modèle de la taxe sur la vente au détail de boissons alcooliques.

 

Introduire une nouvelle taxe dissuasive

En résumé nous demandons à la Municipalité d’étudier :

  • Les manières de garantir l’égalité de traitement entre lieux de vente de marchandises ou de mets tout ou partiellement automatisés et leurs équivalents avec personnel, du point de vue des horaires, des normes à respecter, et de tous autres aspects pertinents.
  • La transformation de l’émolument actuel sur les automates en taxe, et son extension aux caisses automatiques permettant le paiement des marchandises dans les commerces.
  • Différents modèles de taxe, qui pourraient notamment se baser sur :
    • Le chiffre d’affaires ;
    • La quantité de marchandises accessibles ;
    • Les horaires d’accessibilité de l’appareil de paiement automatique ;
    • Le salaire brut moyen d’un·e employé·e CFC dans les CCT du commerce de détail de la région, y compris les charges patronales et les recettes fiscales. Dans tous les cas, cette taxe ne devrait pas être inférieure à ce montant.
  • Un modèle de répartition des fruits de cette taxe entre les services sociaux et le soutien aux commerces indépendants de la commune.
  • Les modifications réglementaires communales, intercommunales et/ou, éventuellement, à d’autres échelons, qui seraient nécessaires dans ce but.

Nous demandons que ce postulat soit directement envoyé à la Municipalité et la remercions d’avance pour ses réponses.

 

Pour le Groupe socialiste

Yan Giroud

 

[1] https://prestations.vd.ch/pub/blv-publication/actes/consolide/930.01?key=1606909698127&id=abb21ed7-f7ac-4292-b82a-dab323a913fa

[2] Voir notamment les exposés des motifs des lois de 1899 et 1935 sur la police du commerce, disponibles sur la plate-forme Scriptorium.

[3] En l’occurrence, l’automate est au bénéfice d’une autorisation communale en tant qu’appareil automatique.

[4] https://www.tagesanzeiger.ch/in-dieser-zuercher-migros-filiale-passt-sonntags-nur-die-security-auf-135689609742

[5] https://www.tagesanzeiger.ch/der-erste-migros-laden-ohne-personal-geht-auf-616965078281

 

Photo: BY Rob Friesel @flickr (CC)

 

Postulat largement inspiré de celui du PS Lausanne, M. Benoît Gaillard et consorts : «Robotisation de la vente et de la restauration: taxer les caisses automatiques, assurer l’égalité́ de traitement»

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