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On ne peut gouverner une ville de 12’500 habitants avec des pratiques de carnotzet

par | 10 novembre 2022 | Administration, Commentaires, Démocratie, Économie, Médias, Opinions

Depuis quelque temps maintenant, la ville de Prilly traverse une période de turbulences et défraye la chronique. Au centre de l’attention, le syndic libéral-radical et son parti, en raison de leurs liens avec les milieux immobiliers. Cette affaire – ou plutôt ces affaires, car la situation actuelle met en lumière plusieurs fonctionnements problématiques du Parti libéral-radical (PLR) – révèle un parti dont le système de réseautage apparaît en profond décalage avec les aspirations de la population à la transparence.

Aux origines des tensions qui secouent la commune se trouve un syndic en place depuis une vingtaine d’années, habitué à diriger en radical dominant tant «sa» municipalité que l’administration communale, particulièrement le Service de l’urbanisme par le biais duquel il côtoie les principaux acteurs de l’immobilier de la région. L’omniprésence de certains dans la commune interroge d’ailleurs. Et interroge d’autant plus qu’Orllati, Geneco ou le président du conseil d’administration de Realstone Holding SA, notamment, auraient financièrement soutenu sa campagne en 2021. Le syndic trouve cela tout à fait normal et estime «qu’il n’y a pas de mélange des genres». Cependant comment se justifie un don de 15 000 fr.? A titre de comparaison, la campagne socialiste pour cette même élection a coûté 20 000 fr., Conseil communal et municipalité confondus.

Le malaise grandit lorsque l’on consulte les comptes de campagne du PLR pour les élections cantonales de 2022, qui attestent du versement de dons de tiers à hauteur de… 100 francs pour l’ensemble du district (!). La différence de traitement réservé par les milieux économiques au syndic de Prilly ou au PLR cantonal, flagrante, intrigue.

La virulence de la réaction du PLR devant la volonté de la municipalité et du Conseil communal de préempter un terrain pour y construire des logements à loyers abordables – la droite allant jusqu’à quitter le plénum par deux fois pour torpiller le projet – interpelle aussi. N’est-ce qu’une question de philosophie politique – le droit à la propriété privée – qui a enflammé la droite à ce point? Quel rôle a joué la proximité du syndic avec les promoteurs déçus? Nombreuses sont les personnes à s’interroger aussi sur les liens entre le président du PLR de Prilly, qui siège au conseil d’administration de Wincasa SA, et HRS Group, un des acheteurs évincés, deux sociétés qui collaborent sur de nombreux chantiers en Suisse alémanique. La question se pose donc dans cette affaire de savoir si le PLR a uniquement  considéré les besoins criants de la population prillérane en matière de logements.

Quoi qu’il en soit, on ne peut que constater l’incapacité du syndic et plus généralement du PLR à intégrer le fait – et à s’y adapter – que, après cent cinquante ans de suprématie radicale, la gauche a conquis la majorité à l’exécutif comme au législatif et que, conformément aux attentes des électeurs qui attendent un changement, cette dernière n’entend pas y poursuivre une politique de droite.

S’il est essentiel de préparer le futur de notre commune, l’heure n’est plus aux projets pharaoniques à la gloire de quelque édile local. En 2022, on ne peut gouverner une ville de 12 500 habitants, même vaudoise, avec des pratiques de carnotzet. Les défis climatiques et sociaux qui nous attendent exigent de tourner la page de cette approche. La population l’a bien compris, elle.

Il ne faut cependant pas perdre de vue que les critiques dont fait l’objet notre syndic ne sont qu’un révélateur de la problématique plus vaste du financement des partis de droite par des acteurs fortunés de l’économie privée et de l’influence de ces derniers sur les décisions des élu·es bourgeois·es.

On attend donc avec impatience la publication des comptes 2022 des partis politiques vaudois, conformément aux nouvelles dispositions de la LEDP entrées en vigueur le 1er janvier dernier, qui devrait mettre un peu de lumière sur certaines zones d’ombre.

 

Yan Giroud

«Prilly: On ne peut gouverner une ville de 12'500 habitants avec des pratiques de carnotzet. »

Texte paru le 11 novembre 2022 dans Le Temps