CORMINJOZ – L’immobilier est un secteur économique et financier très spéculatif. Le 20 septembre dernier, dans une ambiance tumultueuse, le Conseil communal de Prilly a pris une décision exemplaire pour intervenir dans ce domaine. Avec la préemption d’un terrain de 2 hectares d’une valeur de 62 millions pour y construire 200 logements d’utilité publique (LUP), la Commune a gagné une première étape d’une bataille politique et juridique. Un premier exemple, à son niveau, qui pourrait faire jurisprudence dans le droit de préemption en faveur des collectivités publiques ou des investisseurs du secteur immobilier qui veulent créer des LUP.
La classe moyenne la plus touchée
La pénurie de logement et la hausse des loyers est un véritable problème dans les cantons et villes où il n’existe pas une véritable politique publique du logement. Les villes où il y a le moins de problèmes de logement et de spéculation immobilière sont celles qui, comme Bâle, Zurich et Berne, ont construit des habitations coopératives dès les années 1970-1980. Dans les pôles urbains de notre canton, les prix des logements et des loyers ont augmenté de 40 à 50% ces 20 dernières années. Mais malgré cela, la pénurie de logements reste un problème essentiel, qui impacte sur le pouvoir d’achat et la liberté individuelle. Et c’est, une fois encore, la classe moyenne qui est très touchée par cette pénurie.
À Prilly, un taux de logements vacants de 0,88%!
Avec un taux de 1,23% de logements vacants, le district de l’Ouest lausannois est fortement impacté. À Prilly, ce taux est de 0,88%! Sur un territoire de 2,2 km2, il y a 7200 habitations pour une population d’environ 12’500 habitants. Et alors que la commune est en plein développement urbanistique. En état actuel il n’y aucun LUP à Prilly, seuls 100 LUP sont en construction sur les quatorze chantiers en cours.
Réguler le marché immobilier
C’est face à une telle réalité que la Municipalité de Prilly s’est courageusement lancée dans ce projet. La Commune a bien fait ses calculs et a pris en compte les intérêts de la population. Comme face à l’inflation et aux spéculations, l’État a la responsabilité d’intervenir. Dans le cas précis, c’est la Commune qui a pris ses responsabilités pour équilibrer le marché par l’achat d’un terrain. Concrètement, au lieu de construire uniquement des zones résidentielles, pour une partie de la population qui a le plus de moyens, la collectivité publique a décidé de faire construire des logements d’utilité publique pour repenser la mobilité et protéger les terres agricoles.
Une opération sans risque financier
Sur le plan financier, la Commune ne prend aucun risque, car nous avons pris les mesures nécessaires. En effet, l’acompte initial est pris en charge par la SCHL (Société coopérative d’habitation Lausanne). Nous avons obtenu aussi une garantie additionnelle de 5 millions permettant de couvrir les frais administratifs et les éventuels risques conjoncturels macroéconomiques.
Une politique pour l’avenir
Dans un tel contexte, développer des politiques publiques visant à créer des logements à des prix corrects n’est ni un luxe ni un risque financier. Au contraire, c’est une politique visant la paix et la cohésion sociale dont la société récoltera les fruits dans l’avenir.
Ihsan Kurt
Municipal des finances
«Pourquoi Prilly a besoin des LUP»
Paru dans la rubrique Opinion de 24 Heures le jeudi 29 septembre 2022