Ihsan Kurt s’oppose à l’initiative dite «de limitation», soumise au vote le 27 septembre.
Comme le Covid-19, qui a créé une crise sanitaire et économique dans le monde entier, le virus du populisme envahit l’Europe, dont la Suisse géographique et économique fait bien partie. En raison des initiatives successives antimigrants, nous sommes aussi sous le danger de cette épidémie politique.
Depuis les dix dernières années, à commencer par la Hongrie en 2010, puis la Pologne, l’Autriche, l’Italie en 2018 et la Bulgarie, plus de 150 millions d’Européens sont déjà contaminés par cette maladie du populisme, que Vladimir Poutine a appelé «la démocratie illibérale», c’est-à-dire des régimes nationalistes, ultraconservateurs, antimigrants, de tendance autoritaire, mais qui néanmoins continuent à chercher leur légitimité dans les urnes, comme l’homme fort de la Russie.
«L’initiative de l’UDC contre la libre circulation est une attaque frontale contre la démocratie et la libre circulation des personnes»
Malgré notre démocratie semi-directe, qui jouit d’une aussi bonne réputation que notre système de santé, la Suisse n’est pas épargnée par cette pandémie politique! Au-delà de cette ironie, l’initiative de l’UDC contre la libre circulation, qui doit être votée le 27 septembre prochain, est une attaque frontale contre la démocratie et la libre circulation des personnes, par la mise en question des accords bilatéraux avec l’UE.
Par son initiative dite de «limitation», l’UDC veut revenir au système des années 70, cinquante ans après la votation populaire appelée «initiative Schwarzenbach», rejetée en 1970, directement dirigée contre les Italiens, qui favorisait le système du statut de saisonniers et mettait les ouvriers à la merci de leurs employeurs, avec des bas salaires. Ce statut a été abandonné suite à la signature des accords bilatéraux avec UE en 2001.
Si cette initiative était validée par le peuple, nous devrions instaurer tout un système sécuritaire avec l’UE. Elle obligerait la Confédération à résilier unilatéralement ces accords, si aucune solution à l’amiable ne pouvait être trouvée dans un délai d’un an. Or les accords bilatéraux avec les pays européens sont fondamentaux pour l’économie et les emplois helvétiques.
Un retour en arrière
Dans le cas d’une validation par le peuple, ce serait un retour de plus de vingt ans en arrière. Deux décennies importantes pour la démocratie et la paix sociale qui risquent d’être remises en question, en raison de la limitation des droits des travailleurs et des discriminations en fonction de leurs origines sur le marché de travail qu’elle engendrerait. Les salaires notamment pour les secteurs de bas revenus, protégés par les mesures d’accompagnement des accords bilatéraux, seraient fortement impactés.
Empêcher que cette votation populiste, discriminatoire, anti-économie et contre les droits des travailleurs passe est une responsabilité civique. Si la pandémie de Covid-19 est dangereuse pour la santé humaine, l’épidémie du populisme est elle aussi dangereuse pour la santé d’une démocratie et du vivre-ensemble. C’est pourquoi il faut être solidaire, clean et se tenir à bonne distance sociale du populisme.
Ihsan KURT
Texte paru dans le 24 Heures du 28 août 2020